Les bisphénols issus des microplastiques affectent le cerveau – et il y en a de plus en plus dans l’océan
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Les bisphénols issus des microplastiques affectent le cerveau – et il y en a de plus en plus dans l’océan

Isa Gomes, Sorbonne Université et Rémi Dumollard, Sorbonne Université

 

Des tonnes de plastique sont produites chaque année, et la plupart des déchets finissent dans les océans et les mers comme la Méditerranée. Un des gros problèmes de cette pollution aux plastiques n’est pas ce que nous pouvons voir à l’œil nu – les sacs ou les emballages – mais bien ce que nous ne pouvons pas voir : les petits morceaux appelés « microplastiques », et aussi les molécules qui les composent. Des microplastiques ont été détecté pour la première fois dans des tissus humains. Ils présentent un risque pour notre santé, car ils libèrent de petites quantités de molécules toxiques, comme le tristement célèbre bisphénol A.

Le bisphénol A perturbe notamment le développement du cerveau. Nous étudions comment il affecte les animaux marins et leur développement, et comment ces informations pourraient être importantes pour les humains.

D’où vient la toxicité du bisphénol A ?

La toxicité de molécules chimiques comme le bisphénol A repose sur leur petite taille et leur facilité à traverser les membranes cellulaires. De plus, leur structure est très similaire aux hormones, les œstrogènes par exemple. Dans une situation normale, les hormones contrôlent notre système endocrinien en se liant sur des récepteurs spécifiques qui régissent de nombreuses étapes de la vie animale. Si on imagine ces « récepteurs nucléaires » comme de grosses pièces de Lego, le bisphénol A et les autres « perturbateurs endocriniens » sont de petites pièces de Lego qui s’accrochent très facilement au récepteur. Avec pour conséquence d’activer ou d’inhiber certains processus hormonaux, ce qui aura un effet indésirable dans notre corps.

Nous avons bien sûr besoin d’hormones au cours de notre vie, mais uniquement à certains moments, par exemple lorsqu’une femme accouche pour les œstrogènes, et à une dose spécifique. Plusieurs études ont montré qu’être exposé à des perturbateurs endocriniens d’une manière chronique, même en petites quantités, peut dérégler les récepteurs nucléaires, et donc le système endocrinien. Ce dérèglement du système endocrinien a été associé à des problèmes de santé très variés : infertilité, cancer du sein, diabètes, obésité, maladies cardiovasculaires, malformations congénitales, et maladies associées au développement du cerveau. En ce qui concerne ce dernier, quelques études ont associé la présence des bisphénols avec des troubles du comportement, par exemple l’autisme, ou le fait que ces molécules peuvent affecter nos capacités cérébrales.

Comment ces molécules impactent-elles le développement du cerveau ?

Les premiers effets du bisphénol A sur le développement ont été découverts par hasard

En 1992, le Dr Feldman et son groupe de recherche de l’université de Stanford pensaient que leurs cultures de levure produisaient une molécule œstrogénique. Il s’est avéré que ce n’était pas la levure qui synthétisait l’œstrogène, mais plutôt la dissolution du tube en plastique où les levures poussaient.

En 1998, la généticienne Patricia Hunt de la Case Western Reserve University remarquait un changement bizarre dans les œufs des souris femelles qu’elle étudiait : 40 % des œufs montraient une anomalie dans leurs chromosomes (taux bien plus élevé que ce qui est observé habituellement). Hunt remarqua alors que ses cages de souris recouvertes de plastique polycarbonate semblaient fondre, et découvrit que les cages avaient été lavées par erreur avec un détergent hautement alcalin. Après un véritable travail de détective, Hunt et ses collègues ont prouvé que les anomalies chromosomiques des œufs étaient créées par le bisphénol A dissous du plastique endommagé.

Depuis 1998, plusieurs travaux ont montré la toxicité du bisphénol A en utilisant des modèles vertébrés comme la souris et le poisson-zèbre, et quelques modèles invertébrés comme le ver Caenorhabditis elegans et le crustacé Daphnia magna.

Les bisphénols affectent le développement du cerveau d’ascidie

Dans notre laboratoire, on utilise les embryons d’ascidie pour étudier l’effet du bisphénol A sur le développement. Les ascidies sont des animaux marins « filtreurs », c’est-à-dire qu’ils se nourrissent en filtrant l’eau de mer. Les microplastiques sont suffisamment petits pour être absorbés par les ascidies, qui ingèrent aussi par conséquent les molécules toxiques associées.

Ascidie blanche, Phallusia mammillata. Waielbi/Wikimedia, CC BY-SA

Difficile à imaginer vu leurs apparences, mais les ascidies sont considérées comme des « cousins » de l’humain parmi les invertébrés, d’un point de vue « phylogénétique » : des études en évolution ont montré que les ascidies appartiennent au groupe des « chordés », c’est-à-dire que l’embryon d’ascidie possède un cerveau centralisé lié à un tube nerveux et une corde dorsale. La simplicité et la transparence des embryons d’ascidie, ainsi que la présence de récepteurs nucléaires dans leur génome, font de ces animaux un système puissant pour découvrir les mécanismes impliqués dans les « modes d’action » des perturbateurs endocriniens. Une fois les mécanismes connus, on peut non seulement comprendre plus en détail l’effet de la pollution sur la faune marine, mais aussi comprendre comment ces perturbateurs endocriniens peuvent affecter les vertébrés, dont les humains, vu qu’ils partagent les mêmes récepteurs.

Au cours de ma thèse, nous avons découvert que le bisphénol A induit une toxicité neuro-développementale chez l’embryon d’ascidie. Plus précisément, la présence du bisphénol A dans le milieu marin provoque une malformation du cerveau de la larve, en diminuant la pigmentation et la taille des cellules sensorielles (celles qui permettent à la larve de nager dans la bonne direction). Alors qu’en absence de bisphénol A, ces cellules se forment ensemble et se séparent à la fin du développement, avec bisphénol A elles ne se séparent jamais – ce qui nous indique aussi une fenêtre d’action du bisphénol A très précise dans le temps. Le bisphénol E et bisphénol F provoquent aussi le même effet.

Un récepteur très sensible dans le cerveau

Mais la découverte plus importante de cette étude est la présence d’un récepteur nucléaire dans le cerveau de la larve d’ascidie, précisément au moment où les cellules sensorielles se développent. Il est appelé estrogen-related receptor ou « ERR » et il peut lier fortement le bisphénol A.

Deux larves d’ascidie montrant les cellules sensorielles du cerveau qui sont pigmentées alors que l’embryon est très transparent. On peut voir dans la larve traitée au bisphénol A, à droite, que les cellules sensorielles pigmentées sont réduites et que leurs positions dans le cerveau sont affectées. Rémi Dumollard et Isa Gomes, Author provided

Dans le cerveau humain et celui du poisson-zèbre, ce récepteur lie aussi le bisphénol A. Chez l’humain, le récepteur ERR est très souvent associé aux cancers du sein et de la prostate, mais jusqu’à présent peu d’études se concentrent sur son rôle potentiel dans le cerveau.

Pour vérifier notre hypothèse selon laquelle le récepteur ERR peut être impliqué dans le développement du cerveau de la larve d’ascidie, nous avons exposé les embryons à d’autres molécules connues pour se lier à ce récepteur ERR (le diéthylstilbestrol et le tamoxifène). Nous avons observé un effet similaire – une malformation des cellules sensorielles du cerveau.

Il reste maintenant beaucoup de travail à faire : tout d’abord il faut prouver la liaison du bisphénol A au récepteur ERR de l’ascidie ; puis, il faut établir le rôle de ce récepteur nucléaire dans le cerveau et répondre à la question : comment est-il impliqué dans les malformations du cerveau lorsqu’il est lié par le bisphénol A ? La réponse à cette question aidera non seulement à mieux comprendre l’effet de la présence de molécules issues du plastique dans les animaux marins, mais aussi à mieux comprendre la complexité du mode d’action des perturbateurs endocriniens chez les vertébrés, afin de prouver aux agences gouvernementales à quel point elles peuvent être dangereuses pour l’environnement, et par conséquent limiter encore plus la production et l’utilisation de ces plastiques.

« Nous sommes liés à l’océan. Et quand nous retournons à la mer – que ce soit pour naviguer ou pour la regarder, nous revenons d’où nous venons. » (John F. Kennedy, 1962)The Conversation

Isa Gomes, Associate research scientist, Sorbonne Université et Rémi Dumollard, Chercheur CNRS, Sorbonne Université

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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