Séisme en mer Égée : que savent les scientifiques après quelques jours de travail ?
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Séisme en mer Égée : que savent les scientifiques après quelques jours de travail ?

Romain Jolivet, École normale supérieure (ENS) – PSL et Laurent Jolivet, Sorbonne Université

 

Vendredi 28 octobre vers 15h, un puissant séisme a frappé l’ouest de la Turquie et les îles grecques de la mer Égée. Les secousses engendrées ont été ressenties jusqu’à Athènes, de l’autre côté de la mer Égée, et Istanbul – deux capitales situées dans l’une des zones sismiques les plus actives du continent eurasiatique.

Des immeubles se sont effondrés dans la ville d’Izmir et sur l’île de Samos notamment, occasionnant plusieurs dizaines de victimes, selon un bilan toujours provisoire. Un raz de marée a été observé dans la région proche du séisme.

Les systèmes automatisés de surveillance sismique permettent normalement en quelques minutes de connaître la localisation, la profondeur et la magnitude du séisme, et donc d’estimer un risque de tsunami. Malheureusement, dans le cas de ce séisme, localisé très proche des côtes turques et de zones densément peuplées, ces quelques minutes n’ont pas été suffisantes. Les séismes restent encore imprévisibles. Ceux comparables à celui de vendredi dernier, de magnitude modérée mais de faible profondeur et situés dans des zones peuplées, comme les séismes qui ont frappé l’Italie ces dernières années, ne font pas exception.

Comme pour chaque grand séisme, les travaux scientifiques démarrent dès les alertes automatiques lancées, et se poursuivent sur plusieurs années. Grâce aux acquisitions de données en continu, aux outils mis en place par les chercheurs de différents instituts de recherche et aux outils actuels de communication, nous pouvons déjà voir émerger certaines conclusions.

Que peut-on dire à l’heure actuelle ? Quelles sont les étapes du cheminement scientifique suite à un séisme comme celui de vendredi ?

Les ondes sismiques : une rupture en mer, sur plusieurs dizaines de kilomètres

Les premières informations sont toujours à aller rechercher auprès des agences en charge de la surveillance sismologique de différents pays, comme l’USGS et le Centre Sismologique Euro-Méditérannéen.

Carte participative « L’avez-vous senti ? ». Les couleurs indiquent l’intensité ressentie par le public. US Geological Survey, National Geospatial Program

Ici, nous avons appris quelques dizaines de minutes après le séisme que la rupture était située en mer au nord de l’île de Samos, à une profondeur d’environ 12 km, et pour une « magnitude de moment » de l’ordre de 7 (à ne pas confondre avec l’échelle de Richter, une autre mesure de l’intensité d’un séisme). La magnitude nous renseigne sur la taille approximative de la fracture et sur la quantité de glissement : dans ce cas, une rupture de l’ordre de quelques dizaines de kilomètres de long (40 à 60 km) sur une largeur d’environ 10 km en profondeur et un glissement de l’ordre du mètre.

En effet, un séisme correspond à un glissement rapide (de l’ordre du mètre par seconde) le long d’une fracture dans la croûte terrestre, appelée « faille », en réponse à un « chargement » lent (du millimètre par an au centimètre par an) imposé par la tectonique des plaques. La plupart des séismes se produisent aux frontières entre grandes plaques tectoniques. Comme un ressort tendu que l’on relâche brutalement, la croûte terrestre « rebondit » d’un coup lorsque le séisme a lieu, et des vibrations sont émises sous la forme d’ondes mécaniques.

Ces ondes mécaniques voyagent dans la Terre et sont enregistrées – on les perçoit partout dans le monde pour les plus grands séismes. Localement, ces ondes peuvent engendrer des destructions et elles portent en elles les informations nous permettant de déchiffrer le déroulé du séisme.

Les marégraphes : un séisme de faible profondeur et « tsunamigénique »

Un tsunami a ensuite été détecté par les marégraphes disposés en mer Méditerranée et les images de la mer se retirant brusquement avant d’entrer dans les villes côtières nous sont parvenues par les réseaux sociaux. Si un tsunami a été déclenché, c’est que la rupture sismique est proche du fond de la mer, voire qu’elle l’a atteint. Les premiers résultats ont vite indiqué une rupture peu profonde et donc une potentialité forte que la rupture soit remontée jusqu’au plancher océanique.

 

Cette information est cruciale, car elle permet activer les systèmes d’alerte aux tsunamis. Malheureusement, dans ce cas, la rupture était située tellement proche des côtes (10-15 km) qu’aucun modèle ne peut être calculé suffisamment rapidement pour fournir à temps une prévision de l’heure d’arrivée des vagues ou de leur amplitude.


À lire aussi : Alertes aux séismes et tsunamis : comment gagner de précieuses secondes


D’un point de vue scientifique, le travail ne fait que commencer, car après les alertes, il s’agit de comprendre la sismicité et la tectonique régionale. Pourquoi y a-t-il eu un séisme dans cette région a priori éloignée d’une limite de plaque ? Que peut-on apprendre sur l’organisation des déformations tectoniques dans la région et donc, sur la mise en place de la géographie et des paysages que l’on connaît aujourd’hui ?

Les images Radar : comment se déforme la croûte terrestre à cause du séisme ?

Les données sismologiques nous apprennent qu’un côté de la faille est descendu par rapport à l’autre sur un plan qui penche vers le nord ou vers le sud, résultant d’un étirement de la croûte terrestre – le mouvement est dit « normal ». Mais si on s’en tient strictement à l’étude des ondes sismiques, il est impossible de savoir si le plan de faille penche vers le nord ou vers le sud et si l’île de Samos, située au sud du séisme est montée ou descendue à cause de ce séisme. La réponse à cette question permettrait de mieux connaître la géométrie de la faille et en particulier le sens de la pente de son plan.

Nous nous penchons alors sur des observations des satellites radar. Quelques heures après le séisme, le satellite Sentinel 1A, de la constellation Sentinel, mise en place par l’ESA, est passé au-dessus de la zone et a acquis une image Radar de la zone. Par comparaison avec l’image acquise six jours auparavant, nous pouvons calculer la déformation de la surface de la croûte terrestre occasionnée par le séisme.

 

L’image ainsi obtenue montre que l’île de Samos est montée d’environ 10 cm alors qu’une toute petite fraction de sa côte nord est descendue d’autant. Le mouvement vers le haut de l’île nous conduit à penser que la faille responsable est orientée environ est-ouest, confirmant les données de la sismologie, émerge en mer très proche de l’île de Samos et que son plan est penté vers le nord. Cette faille est probablement reliée au mouvement général d’extension de la mer Égée.

Les apports de la géologie de terrain et de la paléosismologie : l’extension dans la mer Égée, la rotation de l’Anatolie et la remontée de l’Afrique

Les études géologiques et paléo-sismologiques dans cette région de la Méditerranée nous enseignent que les déformations actuelles, et donc les séismes actuels, sont la conséquence de la dynamique générale, en place depuis les 30 derniers millions d’années. Au sud de l’île de Crête, la plaque tectonique Afrique « subducte » sous l’Eurasie, c’est-à-dire que cette plaque tectonique et la croûte terrestre qu’elle porte s’enfoncent sous la plaque Eurasie.

Mais la subduction de l’Afrique sous l’Eurasie se déplace vers le sud, comme illustré sur l’animation ci-dessous. Il s’ensuit un mouvement d’extension nord-sud dans toute la région égéenne, d’environ 2,5 cm/an. De plus, l’Anatolie, qui porte la Turquie, tourne vers le sud-ouest et suit le mouvement en glissant le long de la grande Faille nord-anatolienne aux séismes destructeurs. En surface, cette extension est exprimée par des failles sismiques qui parcourent la région, comme dans le golfe de Corinthe en Grèce ou les fossés du Menderes ou de Gediz en Turquie, juste à l’est du séisme de vendredi.

Les mouvements tectoniques guidant l’extension nord-sud dans la mer Égée provoquant des déformations intenses de la croûte terrestre, ici de – 15 millions d’années à nos jours. Source : Laurent Jolivet et USGS

Ce séisme a donc eu lieu dans une zone en extension active qui n’est pas une simple frontière de plaque, mais un domaine vaste où la déformation de la croûte terrestre est intense en réponse à la dynamique de la subduction. L’analyse des déformations de la surface dans les années qui viennent suite à ce séisme nous permettra d’apprendre comment les matériaux de l’écorce terrestre se comportent dans cette région complexe. Dans le monde, d’autres régions se déforment de manière comparable, comme le plateau du Tibet ou l’Ouest américain. Comprendre pourquoi certaines zones de notre planète se déforment est essentiel pour comprendre pourquoi de tels séismes ont lieu.The Conversation

Romain Jolivet, Maitre de Conférences, École normale supérieure (ENS) – PSL et Laurent Jolivet, Professeur, Sorbonne Université

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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