Laurence Devillers

Laurence Devillers

Professeure d’informatique appliquée aux sciences sociales

Je ne cherche pas à faire de la régulation, mais à poser les bases de bonnes pratiques en IA.

Domotique, robots de compagnie, enceintes connectées… L’intelligence artificielle fait partie de notre quotidien. Mais cette révolution numérique amène son lot de questions éthiques. Depuis 30 ans, Laurence Devillers en est une des actrices et des critiques les plus visionnaires.

Il y a 20 ans encore, rares étaient les applications grand public basées sur l’intelligence artificielle (IA). L’essor des GAFAM1 à la fin du XXe siècle a rebattu les cartes en l’ancrant dans nos habitudes, parfois à notre détriment. Car si elle a permis de grandes avancées dans la recherche, l’IA soulève de nombreuses questions éthiques. Laurence Devillers, professeure au LISN2, fait partie de la génération de chercheurs qui a accompagné les débuts de l’IA. Avec en tête que cette technologie peut nous en apprendre beaucoup sur la naissance du langage.

De l’informatique…

Née en Bourgogne en 1962, Laurence Devillers baigne dans les sciences. Sa mère est maîtresse de conférences en physiologie végétale à l’Université de Paris et son père, centralien très porté sur l’éthique, officie au CEA4 et à l’IPSN5. Dès son plus jeune âge, elle les questionne sur l’humain, la conscience.

Elle obtient sont baccalauréat de mathématiques et physique en 1981 au lycée Lakanal de Sceaux, les neurosciences tâtonnent encore. Elle s’oriente vers les premières licences MIASS6, dont un des cours porte sur la linguistique, et d’informatique en Sorbonne. « L’informatique paraissait très ouverte et dynamique, et il y avait quasiment autant de filles que de garçons », se souvient la chercheuse dont les parents ne veulent faire aucune différence dans l’éducation de leurs enfants.

Elle se voit déjà concevoir objets et lieux par simulation informatique. Mais en DEA7 à l’Université Paris Saclay, elle suit un cours qui va sceller son destin de chercheuse. On y traite de phonétique, d’interprétation de spectrogrammes vocaux et autres aspects de la langue et de sa modélisation. « C’était extraordinaire ! De là, je me suis orientée vers la recherche sur le langage par des outils de traitement automatique. » L’enseignant de ce module, Jean-Sylvain Liénard, alors directeur du LIMSI2, sera son directeur de thèse.

…au langage

Laurence Devillers débute sa thèse sur des projets européens dédiés à l’acoustique et aux premiers modèles d’apprentissage de Markov8 appliqués à la linguistique. « Ce n’était pas une orientation personnelle, il a fallu que j’attende de trouver un champ de recherche novateur qui puisse m’intéresser. » Dans son laboratoire cohabitent linguistes et informaticiens. « À l’époque, il ne suffisait pas d’apprendre le langage à la machine pour modéliser la reconnaissance de la parole, il fallait aussi comprendre les différents niveaux imbriqués dans le langage. » C’est l’émergence des réseaux de neurones, des systèmes révolutionnaires reposant sur un neurone artificiel qui mime la cellule nerveuse et ses connexions. Cela la passionne. D’autant que l’hybridation des deux techniques permet une reconnaissance phonétique plus fine. Elle tient son sujet de thèse9 (encadré), soutenue en 1992. « Avec ces approches biomimétiques, nous construisons des machines qui reconnaissent ce que nous disons sans aucune connaissance linguistique. Même si les performances de ces systèmes sont proches de celles de l’humain, elles sont vides de sens pour la machine. »

Chercheuse engagée

Après un passage par l’antenne parisienne du Stanford Research Institute, ou elle travaille sur un système d’apprentissage du français, elle décroche des contrats de recherche puis un poste de maître de conférences à l’Université Paris-Saclay, en 1995, où elle élabore des systèmes de dialogue humain-machine, pour la SNCF notamment. En 2000, elle se penche sur la modélisation des émotions dans la voix et, en 2006, obtient son habilitation à diriger des recherches sur ce sujet.

En 2012, après un an à l’UFR de sociologie de Sorbonne Université, elle rejoint le LISN où elle pilote l’équipe Dimensions affectives et sociales dans les interactions parlées. « J’ai toujours navigué dans des domaines où on manie subtilement l’interaction sociale, la psychologie et le comportement cognitif pour améliorer les systèmes de reconnaissance de la voix et des émotions. Cela oblige à être curieux et c’est exactement pour cela que l’on fait de la recherche. »

En 2016, elle passe à l’étape supérieure et s’intéresse à ce que les systèmes incorporant de l’IA font des émotions qu’ils détectent. L’éthique est son nouveau cheval de bataille pour faire face aux enjeux et à l’omniprésence du numérique en ce début de XXIe siècle. « Ces systèmes sont incroyablement bénéfiques pour des gens dépressifs ou en perte d’autonomie mais je me rends compte du fort pouvoir de manipulation de ces objets qui vous appellent par votre prénom et prétendent vous aimer. Profiler les gens à partir de leurs émotions et de leurs comportements, c’est être aussi capable de les influencer. Il faut des garde-fous pour que ceux qui créent ces systèmes n’aillent pas trop loin. » Un petit clin d’œil aux GAFAM, l’objectif premier de l’IA étant notamment de servir la santé et l’éducation. « Je ne cherche pas à faire de la régulation mais à poser les bases de bonnes pratiques en IA ». À partir de 2017, elle intègre le comité d’éthique d’Allistène10 puis le Comité national pilote d’éthique du numérique et de l’IA, répondant à des missions du Premier Ministre sur l’éthique des chatbots11 notamment, participe au Global Partnership on AI (GPAI) sur le futur du travail, travaille avec l’AFNOR12, intervient dans des conférences publiques, préside la Fondation Blaise Pascal de médiation en mathématiques et informatique, et s’implique pour l’inclusion des femmes dans les sciences. Car si elle met en garde sur la dépendance aux machines, elle insiste aussi sur le fait que « 80 % des codeurs et concepteurs d’IA sont des hommes et 80 % des systèmes qu’ils conçoivent ont des voix, des prénoms et des corps féminins ». Des engagements qui, selon elle, lui ont valu de recevoir la Légion d’honneur en 2020.

Modèle hybride

Les modèles acoustiques de langage étaient classiquement obtenus par une modélisation de Markov dite « générative », où un ordinateur apprend des formes modèles. En générant ces modèles via les réseaux de neurones, avec un apprentissage discriminant, les différences entre les formes sont apprises de façon parcimonieuse. Mieux, en mettant en parallèle plusieurs réseaux apprenant les mêmes choses avec des points de vue différents – une initialisation aléatoire différente –, il était déjà possible de gagner en performance malgré les limites des processeurs disponibles il y a 30 ans.

Pour en savoir plus :


Acronyme des 5 géants américains du numérique : Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft

Laboratoire interdisciplinaire des sciences du numérique (CNRS, Sorbonne Université), anciennement Laboratoire d’informatique pour la mécanique et les sciences de l’ingénieur (LIMSI)

Aujourd’hui Université de Paris

Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives

Institut de protection et de sûreté nucléaire

Mathématiques et informatique appliquées aux sciences sociales

Diplôme d’études approfondies, aujourd’hui M2 Recherche

Modèle incrémentiel de calcul de la probabilité de survenue d’un événement, ici, d’un son ou d’un mot

9 Alliance des sciences et technologies du numérique

10 Enjeux éthiques des agents conversationnels

11 Coordinateur de la normalisation en France

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